Aller au contenu
Rechercher dans
  • Plus d’options…
Rechercher les résultats qui contiennent…
Rechercher les résultats dans…

Mam'zelle Ardoise

Membres
  • Compteur de contenus

    178
  • Inscription

  • Dernière visite

Tout ce qui a été posté par Mam'zelle Ardoise

  1. Chapitre 17. UNE GRANDE NOUVELLE J’en ai des choses à vous raconter, z’avez pas idée ! J’espère quand même que la belle Ardoise n’a pas vendu la mèche et que je suis le premier à vous annoncer ce qui m’arrive: malgré toutes les prévisions (même celles de ma brave chatte de mère), j’ai pris du galon ! Je ne suis plus un vagabond ! J’ai ma maison ! A moi ! Qu’est-ce que vous dites de ça ? Comme vous le savez, jusque tout récemment, ma famille d’accueil me mettait à la porte tous les dimanches soirs, avec mes provisions. Ce n’était pas drôle ! Quand je dormais paisiblement au coin du feu, plongé dans des rêves bleus, le réveil était rude, malgré toutes les caresses dont j’étais gratifié avant leur départ. J’étais obligé de m’en aller tristement, muni de mon petit viatique, dans la grisaille, parfois dans la pluie. Je courbais la tête, traînais la patte, jetais derrière moi des regards désespérés… J’en rajoutais un peu, faut l’avouer. Cette attitude a porté ses fruits. L’autre jour, donc, j’étais couché confortablement sur le pull de laine mis à ma disposition sur le divan du salon. Soudain, qu’entends-je ? Bang, bang, bang ! Des coups de marteau répétés. Puis le bruit d’une scie mordant le bois. Puis M’sieur Dan arrivant à toute vitesse pour chercher un sparadrap. Puis encore tout un remue-ménage, là-bas, dans la petite pièce qui donne sur le jardin. Que se passe-t-il ? Vais-je y aller voir ? Je suis si bien, ici ! « Dans le doute, abstiens-toi », qu’elle disait aussi ma maman, la sagesse faite chatte. Je ne bouge donc pas, je me laisse oublier. Si j’y vais, on risque de me mettre à la porte. Je suis pourtant bien intrigué. Tout en faisant semblant de dormir, je coule des regards curieux vers M’dame Scouby (maintenant je lui dis Scouby tout court, je suis de la famille) qui se tient près de moi. Puis j’entends la voix de M’sieur Dan : - Orca ! Viens ! - Puis-je vraiment y aller ? dis-je en posant une patte précautionneuse sur le sol. - Bien sûr, viens avec moi ! dit Scouby en se levant. Sans plus hésiter, je lui emboîte le pas et nous nous rendons dans la petite pièce qui donne sur le jardin. Là, assis par terre, Dan me désigne triomphalement une petite fenêtre qu’il vient d’insérer dans la porte, à hauteur de chat. - C’est pour toi, Orca ! Je m’approche, jette un coup d’œil. C’est amusant, on voit le sol de la terrasse, l’herbe du jardin… - C’est très joli, mais il ne fallait pas vous donner cette peine pour moi, dis-je poliment. Vous savez, je peux aussi bien regarder à l’extérieur en sautant sur un appui de fenêtre ! - Ce n’est pas pour regarder dehors, Orca ! dit Scouby en riant. - C’est pour quoi, alors ? - C’est pour nous prouver que tu es intelligent ! explique Dan. Je m’interroge. Comment une petite fenêtre peut-elle se révéler l’indice de mon quotient intellectuel ? Dan me soulève et me pose devant ladite petite fenêtre. - Passe, Orca ! Et il me pousse en avant. Il est fou ? Je vais me fracasser la tête ! Je me débats vigoureusement… et me retrouve dans le jardin, sans savoir comment ! C’est de la magie ! Je vous jure que c’est de la magie ! Maintenant, ils sont tous les deux accroupis à l’intérieur de la pièce, me regardant à travers l’étrange fenêtre, et me font de grands signes d’encouragement. - Reviens, Orca ! Revenir par où ? Je ne sais plus où j’en suis, je pousse des miaulements éplorés. - Ouvrez-moi, ouvrez-moi ! Ne m’abandonnez pas dans le jardin ! Dan ouvre la porte, se glisse dehors, la referme. A nouveau, mais dans l’autre sens, cette fois, il me pousse vers la paroi. Cette fois, je proteste vigoureusement : - Ca va pas la tête ? Vous voulez m’assommer ? C’est ça votre cadeau ? De guerre lasse, il ouvre la porte. Je rentre dignement, la tête haute. Pour entendre la cruelle sentence : « Mais qu’il est bête, ce chat ! » Apparemment, je suis recalé à l’examen ! L’après-midi du même jour… Une voisine vient sonner à la porte. Scouby lui ouvre, l’invite à entrer. Un peu intimidé, je demande à sortir dans le jardin. Sans plus émettre de commentaires désobligeants, Scouby m’ouvre la porte. Je vais m’installer dehors, pour attendre le départ de la voisine. Je la connais, celle-là, elle ne m’aime pas trop, un jour je lui ai volé un gros morceau de lard… Vaut mieux que je sois discret. Mais les heures passent… La voisine est certainement partie, et moi je suis toujours ici. Je m’ennuie, je commence à avoir froid, j’ai envie de me lover au coin du feu… Par désoeuvrement, je m’approche de la porte et examine attentivement la fameuse petite fenêtre. Je la tâte de la patte, la pousse du museau… Est-ce que, par hasard… ? Je pousse plus fort. Victoire ! Je me retrouve à l’intérieur ! Eh bien finalement, il est chouette, le cadeau ! Triomphant, je me précipite dans la cuisine. Comme vous pouvez vous en douter, je suis accueilli par un concert de louanges : « Il a compris, il a compris ! Brave chat ! » On me caresse, on me complimente. Je me pavane. Mon moral est au beau fixe. Je ne suis pas si bête que ça, ah ah ! Après, c’est devenu un jeu : pour un rien, j’entre et je sors, je rentre et je ressors… du moins, quand il fait beau. Quand il pleut, j’use de la chatière aussi peu que possible… juste ce qu’il faut pour aller faire mes petits besoins dans la prairie à côté de chez nous. Le reste du temps, je me fais gâter, étalé comme un sultan sur ma chaise, devant le poêle. Ca dure si peu de temps, un week-end, mieux vaut en profiter plutôt que de vadrouiller par-ci par-là ! La première fois qu’ils m’ont laissé seul, en me confiant la maison, cela m’a fait tout drôle, je vous assure ! J’ai fini tranquillement mes provisions, j’ai fait ma sieste devant le poêle encore tiède puis je suis sorti prendre l’air. C’est ma Néfertiti qui a été étonnée en me voyant surgir du mur ! Elle venait voir si une gamelle avait été préparée pour nous deux, sur la terrasse, et voilà qu’elle assiste à un prodige ! Elle a failli en avaler de travers sa gorgée de lait. - Mais oui, c’est moi, Nefer ! Viens que je te fasse les honneurs de ma maison ! - Oh, non, j’ose pas, j’ose pas ! Jamais je n’entrerai chez des gens, jamais ! - C’est pas chez des gens, c’est chez moi, Nefer ! Elle n’a rien voulu entendre. C’est fou ce qu’elle est timorée, vraiment d’une manière maladive ! Maintenant que j’ai un divan à ma disposition tous les jours de la semaine, je devrais peut-être lui faire commencer une psychanalyse… si je réussis à l’attirer jusque dans le salon, mais rien n’est moins sûr ! J’ai pris grand soin de la maison. Quand il a commencé à faire froid et qu’il n’y a plus eu que des croquettes à manger, je suis encore passé une fois chaque jour, histoire de vérifier si tout allait bien. J’ai tenu ma chaise et ma petite laine bien propres, je n’ai touché à rien, de peur de casser. … Il fallait bien honorer leur confiance ! Un soir, j’arrive, tout affairé, pour me sustenter de quelques croquettes, lorsque je renifle… - Oh oh, ça sent le feu de bois, ici ! Je me rue vers la cuisine. - Vous êtes là ! C’est de nouveau le week-end ? Que je suis content ! Ils m’ont bien complimenté sur mon sens des responsabilités. Mine de rien, ils avaient un peu peur de retrouver leur maison dévastée. - On pensait que tu avais invité des copains tous les soirs pour faire la nouba, Orca ! Je proteste vertueusement : « Pour qui me prenez-vous ? » La nuit, c’est devenu une habitude bien établie, j’ai dormi sur ma couverture bleue, dans leur chambre, au pied du lit. Et il en a été de même le week-end suivant… sauf que … heu… J’ai eu un petit accident. Faut dire, je n’ai pas encore vraiment l’habitude du plateau de sable, j’avais cru être discret, mais… A l’aube, Scouby ouvre les yeux, renifle dans l’obscurité. - Qu’est-ce que ça sent ? Elle allume la lampe, regarde autour d’elle. Rien de suspect. Un chat noir et blanc, confortablement couché et émergeant d’un apparent sommeil de plomb, la fixe d’un œil innocent. L’air innocent, c’est ma spécialité : vous me regardez, vous me donnez illico le bon Dieu sans confession, je vous l’affirme ! Elle se lève, fait le tour de la chambre en inspectant autour d’elle. Légèrement inquiet, je la suis du regard. Elle va se recoucher. Ouf ! - C’est bizarre, j’avais cru sentir… Prise d’une idée subite, elle regarde sous le lit : rien. - J’ai dû me tromper. - Certainement, dis-je avec empressement. - Tu es sûr, Orca, que… - Je suis aussi blanc que neige ! affirmé-je contre toute vraisemblance. Elle se rendort. Je suis tranquille. Ils ne trouveront jamais ! Dans la seconde chambre, il y a contre le mur un joint mal fait. Ca forme comme un petit trou… Je me suis posté au-dessus du petit trou et j’ai bien visé… Il y a peut-être trois ou quatre gouttes qui sont tombées à côté, pas plus. Mais c’est vrai que mon petit pipi à moi sent mauvais, Ardoise me l’a déjà dit ! Ils l’ont quand même vu ! En ouvrant la porte de la cave, Dan a vu une petite flaque sur l’escalier. Levant la tête, il a vu le trou ! - Orca ! Et le bac de sable ? Quel bac de sable ? Je l’avais complètement oublié, celui-là ! Il va falloir qu’ils me montrent de nouveau comment on fait… Je suis un peu confus. J’espère qu’ils n’ont pas été raconter ça à la charmante Ardoise ! J’entends d’ici ses sarcasmes ! Déjà qu’elle ne se tenait plus de joie après avoir appris le coup de la charentaise ! Enfin ! On ne peut pas être parfait du premier coup ! Mais je m’entraîne, je m’entraîne!... Qu’on me laisse un peu de temps. Le week-end passé, pour la première fois, je leur ai montré que j’étais vraiment très triste à l’idée de devoir une nouvelle fois me séparer d’eux. Dès que j’ai vu qu’ils commençaient à s’affairer, à emballer… j’ai eu un coup de cafard. Scouby l’a bien vu et ça a augmenté son cafard à elle. Elle m’a pris dans ses bras pour essayer de me consoler, mais j’avais le cœur bien gros. - N’oubliez pas de revenir très vite ! - C’est promis, mon Orca ! L’année dernière, à pareille époque, ils ne venaient pas tous les week-ends… mais ils ne me connaissaient pas encore ! Maintenant, ils ont des obligations envers moi, même s’ils se doutent bien que je vais chercher ma pitance chez les uns et les autres… Il se peut, bien sûr, que ce soit le cas, mais dès que je vois leur voiture arriver le vendredi soir, pour moi le reste du monde n’existe plus. C’est ici ma maison ! Là où se trouve ma chatière ! Et peut-être bien que je vais inviter quelques copains pour faire la nouba, un soir !
  2. Merci, merci, M'dame Suzy, je suis très contente ! Je vous en rajoute un chat-pitre... Maintenant je ne joue plus beaucoup avec mes petites souris, j'ai passé l'âge... Heureusement, j'ai encore bonne patte bon oeil !
  3. Chapitre 15 : CHOSES SERIEUSES ( ?) Ma mère d’adoption a posé, sur le dossier du canapé (je suppose que c’est pour dissimuler les traces de mes griffes), un tissu de style « Laura Ashley », avec des petites fleurs. Il ne m’a pas fallu longtemps pour découvrir là une nouvelle occasion de m’amuser. Je m’approche doucement du canapé, par derrière, et grimpe vélocement (avec mes griffes, bien sûr !) jusqu’au sommet. - Bouh ! Regarde, Scouby, qu’est-ce que tu vois ? Elle tourne la tête : une grosse bosse déforme le tissu. La bosse, bien sûr, c’est moi ! Quand j’ai bien ri, je cours dans la chambre, déniche on ne sait comment un sac de plastique et m’y engouffre. Je reviens dans le salon avec le sac autour du cou. Scouby pousse un cri d’horreur et s’empresse de me débarrasser de mon jouet. - Ardoise ! Tu vas finir par t’étrangler ! - Beuh non ! - Ces sacs en plastique, ces élastiques que tu mâchonnes… Rien de plus dangereux ! - Je sais ce que je fais, sois tranquille ! J’affecte là une assurance que je ne ressens pas tout à fait. C’est vrai que j’ai parfois du mal à dégager mon cou et mes pattes d’un sac en plastique ! Scouby les cache soigneusement dans un placard, mais comme je suis toujours à l’affût d’un moment d’inattention… Je grimpe sur ses genoux et m’y étale, avide de caresses. Elle cache précipitamment ses pieds dans un pan de sa robe de chambre. Elle sait très bien, en effet, que je fais une fixation sur ses orteils. Il suffit que je les voie pour éprouver l’irrésistible besoin de m’y attaquer avec appétit, même dans mes moments les plus sentimentaux ! Je ne sais pas pourquoi, je suis comme ça ! J’ai peut-être en moi les gènes d’un ancêtre tigre ? Elle décide d’entreprendre une conversation sérieuse. Depuis quatre ans que nous vivons ensemble, je comprends son langage sans effort, à présent. On ne peut pas dire que ce soit réciproque, mais elle fait des progrès, je dois bien l’admettre. - Ardoise, te rends-tu compte que, l’année prochaine, tu auras sept ans ? - Et alors ? - C’est l’âge de raison, dit-elle doctement, il faudrait te montrer moins chaton, moins brouillon, plus adulte… Je me marre, au point de manquer tomber de mon perchoir. - Il est vrai que ta puérilité fait partie de ton charme, concède-t-elle, un peu découragée. - Mais j’ai toujours le visage sérieux : c’est toi qui l’as dit ! - C’est un air que tu as. Mais quand on te connaît… - Et puis, tu as dit à Daniel, pas plus tard qu’hier : « Notre Ardoise est tellement fantaisiste et intelligente ! » Tu te souviens ? Tu as dit ça parce que je voulais passer la nuit dans le panier du linge à repasser ! Je sais très bien qu’elle admire ma vive imagination. Ce n’est pas elle qui arriverait à passer toute une vie, sans jamais s’ennuyer, dans un espace clos ! Moi, si : je vis des tas d’aventures passionnantes dans cet appartement qui se transforme en parcours d’obstacles, en brousse, en forêt vierge, au gré de ma fantaisie. J’y trouve toujours un élément nouveau qui éveille mon intérêt enthousiaste. Décidément, je prends le dessus dans cette conversation soi-disant «sérieuse». Taquine, j’assène le coup de grâce : - Si je calcule bien, à sept ans, j’aurai quelque chose comme 49 ans de vie de chat, et toi seulement 46. Tu me devras le respect… Hi hi hi ! On n’a plus parlé de l’âge de raison. Subitement, ce sujet n’a plus intéressé Scouby. J’ai eu un moment d’exultation, dimanche passé ! Daniel et Scouby sont revenus de la campagne, le soir. Comme d’habitude, ils sentent le feu de bois mal allumé et traînent des sacs emplis de linge sale. Comment font-ils pour tellement se salir, là-bas ? Est-ce que je tache ma jolie robe grise, moi ? En brave chatte, je me dresse sur le dossier du canapé pour les accueillir d’un petit «Miaou !» joyeux. - Eh bien, Ardoise, dit Daniel en me caressant, tu es quand même plus civilisée que ton copain ! Qu’a donc fait l’Orca ? Je suis tout ouïe. - Il a arrosé la pantoufle de Daniel cette nuit ! s’esclaffe Scouby. Je hoche la tête avec commisération : quel bouseux, cet Orca ! Si je vous raconte ça, hein, c’est pour que vous sachiez tout, parce que je ne sais pas si le gaillard a osé avouer ça ! Si ? Ah tiens, je n’aurais pas cru… Arroser une charentaise… Vraiment, quelle drôle d’idée ! J’en conclus avec satisfaction que, décidément, il existe un abîme de différences entre une adorable chatte éduquée à la ville, charmante, distinguée, intelligente etc. etc. etc., et un matou natif d’un village de la Belgique profonde ! Vous ne pensez pas ? Hé hé !!! Puisque nous en sommes aux choses sérieuses, je vais un peu vous parler de mon «papa», Daniel il se nomme, comme vous le savez déjà ! En général, il est gentil avec moi, mais parfois il fait des remarques que je n’apprécie pas tant, par exemple… (qu’est-ce que vous dites de ça ?) - Mais ce chat devient ENORME ! C’est effrayant ! Scouby : « Pourtant, elle ne mange pas des quantités astronomiques… » Moi, plaintive : « C’est vrai, je ne mange presque rien ! Je grignote… » Visiblement, il ne me croit pas. Pourtant, je suis de bonne foi, vous savez ! Je me contente de toutes petites bouchées, tranquilles, régulières, tout au long de la journée… Est-ce ma faute si l’assiette se vide toute seule ? - Cette chatte devrait COURIR (Aïe !), faire du SPORT (Ouille !). Où a-t-elle fourré ses petites souris en tissu ? Bon, je veux bien lui faire plaisir, je suis une bonne fille, moi. Je me mets en position de guet, sous une chaise, le corps tout aplati, prêt à bondir… Mais c’est vrai ça : où sont mes souris ? Scouby cherche : « Ah, en voilà une ! » - C’est une blanche, dis-je, déçue. Je préfère les grises. Les blanches m’inspirent moins, allez savoir pourquoi ! - Une seule souris ! Pourtant au départ, tu en avais huit, Ardoise ! Huit ? Tant que ça ? Mais c’est vrai, elle a raison… Mais alors, où sont toutes les autres ? - Je les ai peut-être mangées ? dis-je spirituellement. Ils me regardent tous deux avec des yeux ronds. Ils n’ont décidément aucun sens de l’humour : les voilà qui ont pris pour argent comptant ma petite plaisanterie ! Mais que c’est bête, des humains ! Pour montrer ma bonne volonté, je cavale derrière la petite souris qui reste. Pouf, pouf, pouf ! Je fais le tour du hall, une fois, deux fois (le hall n’est pas très grand, il faut l’avouer) puis je vais m’asseoir sous la table, exténuée. - Eh bien, Ardoise, tu ne joues plus ? Mais de quoi donc ils se mêlent, tout le temps ? Bien sûr que si, je joue ! Je joue à hypnotiser la souris de mon regard fascinant et minéral ! Accroupie comme je suis, sous la nappe, je sais très bien que mes yeux prennent un éclat phosphorescent particulièrement inquiétant. - Vous ne pensiez quand même pas que j’allais courir toute la soirée ! dis-je, indignée. «D’ailleurs, courir me donne faim : c’est un cercle vicieux ! » Comme mon raisonnement est inattaquable, ils ont fini par me laisser tranquille… Le dernier week-end, je suis restée avec Olivier à l’appartement, parce que mes parents d’adoption sont allés faire un tour en Bourgogne… Il paraît qu’on y mange bien, qu’on y boit bien… D’ailleurs, je trouve qu’ils avaient un peu grossi quand ils sont revenus : ah, au moins, je ne suis pas la seule ! Et si je leur faisais faire un peu de sport, hein ? Ils seraient contents, à votre avis ? Ils sont allés visiter des caveaux à vin. Ils nous ont raconté, à Olivier et à moi. Ils pensaient l’expliquer à Olivier tout seul, mais mine de rien, j’écoutais et je n’en perdais rien ! Je pouvais imaginer la scène ! Le vigneron, jovial et visiblement très amoureux de son métier, s’écrie avec un accent musical qui met du soleil dans chacune de ses paroles : - Voici notre Châtô-La-Pommmpe, quatre-vingnnnt-dissuitte ! Encore jeune, mais qui aura du corps ! Je vous serrrrrs ! - Glou, glou, glou… Il est bon ! - Je vous serrrrs encorrrre ! Sans tenir compte d’un geste de refus poli (uniquement poli, je crois), le vigneron verse « clouche ! » une nouvelle rasade dans les verres ! - Et celui de nonante-sept sera-t-il bon ? demande Daniel. - Celui de quatre-vingnnnnnt-dissette ? Ah oui ! Vous vous souvenez, on a eu une belle saisong ! Juste assez de soleille, et bô temps pour les vendannnges ! En quatre-vingnnnnt-dissette, il a fait bô, il a fait chô, on allait au raising, en octobrrre, en petites chosssurrrres ! Je vous serrrs du quatre-vingnnnnt-dissette ! - Glou, glou, glou, etc… Vraiment sympathique, ce vigneron ! Mes parents étaient subjugués… Heureusement, l’hôtel était situé à côté du caveau à vin ! Parce que je crois que pour reprendre le volant, Daniel n’aurait pas été très frais ! Rien que pour m’assurer s’ils n’étaient pas passés par notre maison de campagne, j’ai soigneusement reniflé le bas de leurs pantalons : aucun effluve de l’Orca, cette fois ! Celui-là, quand il voit mes parents-z-à-moi, faut toujours qu’il se juche sur leurs genoux en ronronnant… rien que pour m’embêter ! Il sait bien que je repère sa délicate petite odeur de maître-chat à cent mètres ! Maintenant, nous venons de passer à l’heure d’été, et je suis toute déboussolée ! Au lieu de me lever avec une heure de retard, comme il serait logique, je suis sur pattes deux heures à l’avance ! A quatre heures du matin, je me rue dans la chambre de Scouby et Daniel et batifole sur le lit. Je vais, je viens, impatiente de les voir se réveiller. Je passe une patte sur la joue de Daniel (en oubliant, exprès, de rentrer une griffe). J’en fais de même pour Scouby. Cette tactique n’ayant pas recueilli le succès escompté (tout juste ai-je obtenu de vagues grognements), je m’installe, bien à l’aise, sur leurs estomacs. Cette fois ils se réveillent, mais croyez-vous qu’ils se lèvent pour câliner le chat fidèle et lui donner à manger ? Même pas ! Une malheureuse, je suis !
  4. Chapitre 14 : NOUVEAU DIALOGUE DE CHATS Orca (souriant) : Bonjour, belle Ardoise ! Moi (décontenancée) : Vou-z-issi ? Dans mon appartement ? Orca (rassurant) : Mais non, chère Ardoise, je vous parle par télépathie ! En ce moment, je suis assis sur la pelouse de votre jardin, à la campagne ! Moi (soulagée) : J’aime mieux ça ! Je regarde autour de moi : ah, mon appartement douillet et tranquille ! Que je suis heureuse d’en être la seule maîtresse ! Orca ici, ce serait un cataclysme ! Attila ! Un ouragan ! Un cyclone ! La fin du monde ! Pis encore ! Le cyclone Orca : Mais non, ce ne serait pas si terrible ! Moi (stupéfaite) : Comment savez-vous ce que je pen… Orca (doctoral) : Nous communiquons par télépathie, ne l’oubliez pas ! Si je ne peux plus penser en toute liberté, maintenant ! Comment rompre le contact ? Orca (souriant) : C’est très facile : il vous suffit d’arrêter de penser à moi ! Moi (véhémente) : Mais je ne pense pas tout le temps à vous ! Orca (conciliant) : Pas tout le temps, non, mais souvent quand même ! La preuve : il m’a suffi de me concentrer un tantinet et… clic ! Contact ! Moi (bougonnant) : Enfin, ce qui compte, c’est que vous ne soyez pas ici en chair et en os, à me pomper l’air jusque chez moi ! Orca (séducteur) : Vous n’avez pas envie de faire la conversation ? Vous devez vous ennuyer là, toute seule ! Moi (volubile) : Non, non, je dors presque tout le temps ! Je fais de la relaxation. Parfois, je joue avec mes petites souris. Puis je vais manger. Puis je me rendors. Puis… Orca (estomaqué) : Une vraie vie de pacha, dites donc ! Moi (indignée) : Mais si, je suis un chat ! Je vous défends d’en douter ! Orca (vivement) : Loin de moi cette pensée ! Je voulais dire : une vie agréable, pleine de délices… Moi (blasée) : Oh, ça, c’est beaucoup dire ! Je ne suis pas mal lotie, c’est vrai, mais la gamelle est un peu monotone…Qu’est-ce que vous mangez, là, chez moi à la campagne ? Orca (illuminé) : Les week-ends, c’est extra ! Des boîtes que m’achète M’dame Scouby : Kitekat, Whiskas et tutti-quanti… Moi (stupéfaite) : Tiens, vous trouvez ça extra ? Orca (sur sa lancée) : L’autre jour, j’ai reçu des rillettes ! Et des saucisses de Francfort ! Moi (frissonnante) : Beurk ! Et en semaine ? Orca (assombri) : Ah, en semaine, faut que je me débrouille tout seul… Je fais les poubelles… Moi (connaisseuse) : Comme moi quand j’étais petite ! Orca (soupirant) : Parfois, j’attrape un oiseau ou un petit rongeur… Moi (dépitée) : J’y suis jamais arrivée ! Une seule fois, j’ai tué un papillon, sans faire exprès ! Je me suis fait enguirlander, j’vous dis pas ! Et ici, les oiseaux, je ne les vois que derrière une vitre ! Orca (inquiet) : Dites donc, ça a l’air d’une prison, votre appartement ! Moi (avec feu) : Pas du tout ! C’est le plus adorable endroit du monde ! Un paradis sur terre ! Mais je crois que ça ne vous plairait pas… Orca (affirmatif) : Je le crois aussi J’ai besoin de ma liberté ! L’idéal, tenez, ce serait week-end tous les jours de la semaine ! La pitance et le lit assuré, et pouvoir sortir quand je veux ! Moi (abasourdie) : Le lit ? Orca (modeste) : Mais oui, vous ne saviez pas ? Vos parents m’hébergent pour la nuit, maintenant ! Moi (sidérée) : Et quand vous devez sortir ? Pour vos petits besoins ? Orca (triomphant) : Je les réveille et ils m’ouvrent la porte ! Mais ça n’arrive qu’au matin: en général, je dors comme une souche toute la nuit ! Ils ont dit que j’allais recevoir une chatière au prochain petit Noël ! Peut-être même avant… Moi (ahurie) : Ils sont zinzin ! Orca (ravi) : Mais non, ils m’aiment bien et je suis très gentil avec eux ! Ils m’ont même donné un diminutif affectueux, comme on parle en Belgique : ils me disent Or-katteke ! Moi (suffoquant) : Kêksaveudire ? Orca (déconcerté) : Heu… Petit chat en or, à mon avis ! Moi (revancharde) : A moi, ils ont donné tout plein de diminutif-z-affectueux : Mon-Ardoiseke, Grominou, Mamourette, Ptit-bout’chat, Minettadorée… et j’en passe ! Orca (songeur) : Je ne crois pas que ça me plairait qu’on m’appelle « Mamourette » ! Moi (m’esclaffant) : Au fait, ma Bobonne (que vous connaissez, je pense) demande souvent de vos nouvelles. C’est gentil, non ? Orca (méfiant) : Très ! Moi (me tordant) : Voui, hi hi ! Elle demande comment va la petite chatte Orcatte ! Orca (vexé) : C’est malin ! Bon, c’est pas tout ça, faut que j’aille à la recherche de mon repas, on n’est pas samedi, aujourd’hui ! Dormez bien, « Grominou » ! Contact rompu ! Et comme par un fait exprès, il m’appelle du surnom qui me plaît le moins : Grominou ! Je rumine. Or-katteke ! Je vous demande un peu ! (Katteke veut dire petit chat en flamand, note de la traductrice) Si ça ne dépendait que de moi, ce serait : Hors, kat ! Hors, kat ! Dehors le chat ! Du balai ! Grrrr ! M’énerve, ce matou !
  5. Je continue mon récit… sans le dire à la douce Ardoise, évidemment. Elle me ferait introduire une demande timbrée, en trente exemplaires, que je serais obligé de lui soumettre en me tenant en équilibre sur mes pattes de devant, le temps qu’elle lise tout ça en prenant bien son temps… Sans blague ! Orca maître-chat a plus d’un tour dans son sac, croyez-moi ! Je ne peux résister au plaisir de vous relater les progrès que j’accomplis, régulièrement, dans le cœur de ma famille d’accueil… Qui aurait dit, il y a à peine six mois, que je partagerais à plein temps la vie de week-end de M’dame Scouby et M’sieur Dan ? A plein temps, je dis bien… Et cela s’est fait si doucement, si naturellement. Tact et diplomatie… Ah merci, merci Maman ! Jusqu’il y a une semaine, je dormais encore dehors. Je passais le samedi et une partie du dimanche chez eux, bien installé sur le divan du salon, choyé, nourri comme un coq en pâte… Mais lorsqu’ils allaient se coucher, je devais sortir. Il suffit de si peu pour changer une situation inconfortable, si vous saviez ! Un doux regard blessé, plein de reproche… Un petit gémissement… Le cœur humain se fend. - Il pleut… je n’aurai jamais le cœur de faire sortir ce chat sous la pluie ! Je coule un regard mordoré, plein d’adoration, sur la personne qui vient de prononcer ces quelques mots. Je me garde bien de faire remarquer que mon état de SDF me met fréquemment en contact avec les éléments déchaînés… - On va l’emmener dans la chambre ! J’étais aux anges, vous savez ! Evidemment, dimanche soir, je me retrouverai dehors… mais ne voyons pas si loin : toute nuit de confort est bonne à prendre ! Ils étalent une couverture duveteuse au pied de leur lit. Je m’y étale voluptueusement. Je ne mettrais pas longtemps à m’habituer à tout ça, je crois ! Tiens, qu’est-ce que c’est que ça ? M’dame Scouby m’appelle : -Orca, viens voir ! Intrigué, je vais voir. Elle est occupée à disposer sur le sol de la chambre voisine une espèce de grand plateau empli d’une matière grumeleuse. - C’est pour le petit pipi ! - Très joli, dis-je poliment. Je n’ai rien compris, mais cela n’a sûrement aucune importance. Si la douce Ardoise était là, je lui demanderais, mais elle est absente ce week-end. Paraît que c’est une citadine « invertébrée », comme on dit. Je retourne me coucher sur la couverture et je dors toute la nuit ! Au matin, je claironne: « Debout, là-dedans, je dois faire mes petits besoins ! ». Ils soupirent mais se lèvent quand même, ouvrent la porte du jardin. Je sors, me soulage. Je reviens. Comment ? Ils ont fermé la porte ! Je saute sur l’appui de fenêtre, me dresse tout debout. Je miaule désespérément, dépité. Ils ne me laissent entrer qu’une heure après. Je suis indigné : « Hé, vous auriez pu ouvrir plus tôt ! » - On s’est rendormis, Orca, désolée… Le lendemain… Je ressentais comme une petite lourdeur dans le ventre, mais je n’ai rien dit. Dans le lit, ça ronflait ferme. Je suis allé renifler le plateau de sable qui ne m’a pas livré ses secrets. « Dans le doute, abstiens-toi », qu’elle disait aussi, ma Maman ! J’ai déposé un petit cadeau, tout petit, à côté du beau bac à sable bien propre. Et figurez-vous que, le matin venu, je me suis fait gronder : c’était pas ça qu’il fallait faire ! - Orca ! Petit cochon ! Je me suis senti soulevé, posé dans le bac à sable. M’dame Scouby agitait mes deux pattes antérieures pour me montrer : « Gratt, gratt, gratt… Regarde ! C’est comme ça qu’on fait ! » Je lui dédie mon plus beau regard doré…. Plein d’incompréhension. - Qu’est-ce qu’on va faire de ce chat ? Il est peut-être trop âgé pour être éduqué, le pauvre ? Et subitement, l’illumination est venue ! Eurêka ! J’ai compris ! Comme ça, d’un seul coup! J’ai été foudroyé par la Révélation ! Maintenant je sais ! Qu’est-ce que je suis intelligent, non ? Il y a juste eu encore une fausse note… Oh, infime ! Je n’avais pas encore TOUT compris. C’est compliqué cette histoire de bac de sable, vous savez ! Admettez que, pour un chat, apprendre à se servir de cet ustensile en un week-end seulement, c’est déjà une réussite ! Mais je me demandais, pour le petit pipi… Ce matin à l’aube, ma vessie se rappelait à mon bon souvenir. Le bac, c’était pour le petit pipi aussi, ou pas ? Et si je faisais ça discrètement, dans un récipient plus approprié ? Ce serait mieux, non ? J’ai suivi mon impulsion puis me suis recouché, satisfait. Deux heures plus tard… -Mais ! Ma pantoufle est trempée ! s’est étonné M’sieur Dan en chaussant une de ses charentaises. C’était vrai, elle dégoulinait un peu… Un ange est passé. Je l’ai suivi du regard sur le plafond de la chambre. Ils ont trop ri pour me gronder. Paraît que je ferai mon apprentissage petit à petit… Les pantoufles de M’sieur Dan sont dans la poubelle… Apparemment, ce n’était pas le récipient adéquat. Si je vous ennuie avec ces détails qui peuvent vous paraître bien triviaux, c’est que pour moi, c’est très important ! J’ai grimpé d’un échelon dans l’échelle sociale : moi, le vagabond, peut-être que je vivrai plus tard dans une maison à moi, qui sait ? Les choses sont en bonne voie… je vais recevoir une petite chatière, ce qui me permettra de me mettre à l’abri quand il fera trop froid et que ma famille d’accueil ne sera pas là. Ils ont même dit qu’ils me laisseraient des provisions, des croquettes… Ah, vraiment, comme j’aime les week-ends ! Le vendredi soir, je vois arriver la voiture, j’arrive, tout frétillant de joie. Je passe deux jours merveilleux, à me faire gâter. Le dimanche soir, c’est moins drôle : ils me déposent délicatement sur le seuil de la porte du jardin. Dehors, sous un petit abri à ma disposition, ils préparent deux ou trois assiettes bien garnies, deux bols de lait… on dirait des offrandes à un dieu païen. Ils sont dans tous leurs états, sauf la chère Ardoise (quand elle est là) qui est bien contente de retrouver son appartement. Moi, l’air désespéré, je les regarde partir en agitant mon mouchoir. Un peu de culpabilité n’a jamais fait de mal à personne et surtout, cela fait avancer mes affaires ! Puis, quand la voiture a tourné le coin de la rue, je vais retrouver ma douce fiancée toute noire, Néfertiti la bien nommée. Grand seigneur, je l’invite à venir se sustenter chez moi, elle est très contente et moi aussi. Nous mâchouillons de concert. J’ai pris un peu de poids ces derniers temps…
  6. Chapitre 13 : ORCA, MAITRE-CHAT ! Miââââââââ ! Tout le monde ! Je me présente : Orca, maître-chat ! Si vous lisez ce livre, je suppose que vous aimez beaucoup les animaux, les poilus à quatre pattes comme moi ou la marr… ravissante chatte Ardoise. Je suppose que, de temps en temps, elle vous dit pis que pendre de ma petite personne, non ? Il ne faut pas croire TOUT ce qu’elle raconte. Parfois, c’est vrai, il m’est arrivé d’être un peu maladroit vis-à-vis d’elle… Que voulez-vous ? Je suis de la campagne, je prends la vie comme elle vient et certaines susceptibilités me sont étrangères ! Ainsi, l’autre jour, je me suis rendu compte qu’elle DETESTAIT ma manière de lever la queue sur les briques de la demeure qu’elle considère comme sienne. Depuis lors, je suis prudent : je le fais quand elle a le dos tourné… Mais je crains fort qu’elle ne soupçonne quelque chose : elle se met à froncer le nez d’une manière dégoûtée, je ne comprends pas pourquoi. Tact et diplomatie, telle est ma règle de vie. Quand il m’a fallu quitter le giron maternel, ma brave chatte de mère m’a dit en me léchant le museau : « Chaton noir et blanc, tu es un vagabond et tu le resteras sans doute. Pour survivre, use de tact et de diplomatie, et tu recevras toujours à manger ! » J’ai obéi à ma mère et m’en suis trouvé bien. Elle connaissait la vie, ma Maman ! Il faut dire que j’ai une certaine distinction naturelle : je suis musclé, sans graisse superflue, j’ai un œil plus petit que l’autre, ce qui me confère un regard particulier et un charme inimitable. Tout le monde dit que je ressemble à Depardieu, de visage surtout… Le Depardieu de la meilleure époque, bien sûr. Il y a quelques mois, déambulant dans le village, j’ai aperçu une dame qui déposait devant sa maison une gamelle bien remplie. Intéressé, je me suis approché, j’ai goûté la mixture et j’ai remercié la dame d’un ronron soutenu. Ce premier jour, je ne me suis pas incrusté. Je me suis contenté de ce petit compliment et je suis parti. Point trop n’en faut. J’ai étalé ma conquête sur plusieurs mois : aux mots ont succédé les caresses, puis ces gens que j’appelle « ma famille de week-end » m’ont donné un nom : Orca. C’est joli, n’est-ce pas ? Puis je suis monté sur les genoux pour me faire câliner. Puis je suis entré dans la maison. Maintenant je suis ici chez moi. Le week-end dernier, j’ai passé la soirée du samedi sur le divan du salon, blotti contre M’dame Scouby, devant le feu ! Je deviens un gentlecat-farmer, vous voyez ! Je dois toutefois faire gaffe à la drôle de petite bête grise qui les accompagne parfois. La vaillante chatte Ardoise, comme elle dit elle-même. Quand elle est là, je marche sur des œufs… Elle est parano à un point impossible ! Il faut que je lui manifeste le plus profond respect, alors « Comme ça, ça va ! », comme elle dit toujours. Mine de rien, je préfère quand elle reste dans son appartement, en ville. Elle aussi, je crois. Elle est spéciale, mais pas du tout méchante, je dois bien le reconnaître. Nous entretenons des relations courtoises, après des débuts un peu difficiles… Parfois, ma « famille de week-end » reçoit de la visite, alors je me montre encore plus aimable. Tout le monde raffole de mon charme, je l’avoue en toute modestie !!! On me photographie, on me filme… Depardieu, comme je disais ! Certaines personnes sont parfois des réactions bizarres, je vous laisse juger : un monsieur et son épouse sont venus récemment passer un week-end chez nous. Ils semblaient bien aimables, mais chaque fois que je m’approchais d’un air engageant afin de lier conversation, le monsieur faisait : « Atchoum ! Atchoum ! » Etrange et incompréhensible. Une autre fois, deux dames de la famille sont venues également. En écoutant attentivement la conversation, j’ai compris que la première s’appelait Madame « Maman » et l’autre, Madame « Bobonne ». Ah bon ! Entre elles, elles s’appelaient encore différemment, ce que je ne peux comprendre malgré toute mon intelligence. Quand on a un nom, on le garde quand même ! Moi, c’est Orca, un point c’est tout ! Je me suis approché des deux dames et me suis présenté : « Bonjour, Mesdames ! Orca, maître-chat ! » - Oh, qu’elle est mignonne ! s’est écriée Madame Bobonne. - Maître-chat ! ai-je insisté : CHAT ! M’dame Scouby m’a servi à manger. J’avais une faim féroce et me suis aussitôt attaqué à la pâtée. - Comme elle mange bien ! s’est extasiée Madame Bobonne. - Chat, chat, CHAT ! Pas chatte, CHAT ! ai-je répété en avalant de travers. - Elle ressemble à ma Scoubidou… Une atroce angoisse prenait peu à peu possession de mon âme : est-ce que j’ai vraiment l’air de… ? Est-ce qu’on dit de Gérard : «Comme elle est mignonne !» ? Non, n’est-ce pas? Alors, est-ce que je ressemble VRAIMENT à Depardieu ou m’a-t-on trompé depuis tant d’années ? Est-ce que j’ai l’air d’une chochotte, pour appeler un chat un chat ? M’dame Scouby a eu pitié de moi. - C‘est un GARCON, Bobonne, a-t-elle dit. - Ah ? C’est un garçon ? - C’est même un fameux matou ! Un tombeur ! Alors là, j’étais content. J‘ai terminé ma pâtée, le cœur léger. Après, je suis allé flairer les divers objets que les visiteuses avaient laissé traîner çà et là… Un cri terrible m’a glacé le sang. C’est Mme Maman qui l’avait poussé : - Iiiiiiiiih ! Adèle ! Attention, il va faire pipi sur ton sac ! Mme Bobonne a aussitôt saisi son sac entre ses bras et l’a serré contre son cœur en me foudroyant du regard. J’étais vexé : pipi, moi ! Je sais me tenir ! J’envisageais simplement de marquer de ma délicate empreinte et de mon subtil parfum cet objet en cuir qui me plaisait bien. C’est étrange, on dirait que cette manifestation d’intérêt déplait… Quand je déambule dans la maison, il me semble toujours qu’on me suit des yeux avec une certaine méfiance. J’ai bien fini par comprendre que certain geste (si naturel, mon Dieu, si naturel !) n’est pas de mise ici. Empli de tact et de diplomatie, je me fais discret. Il paraît que je fais de grands progrès ! A tous petits pas, je me suis introduit dans leur affection. Vous devriez entendre les cris de joie qui m’accueillent le vendredi, quand je passe ma tête sous la haie et leur dédie mon regard si « craquant », comme dit M’dame Scouby ! Alors je vais vers eux, tout beau tout propre (je passe des heures à ma toilette, la dernière fois M’sieur Dan -oui, je l’appelle comme ça, j’aime bien, ça fait américain- m’a même dit que j’avais l’air de sortir du « cat-wash » !), je me fais câliner… Et même si j’ai très faim, je fais passer les caresses avant la nourriture : « Tact et diplomatie », comme elle disait ma Maman ! Avec « Orca, Maître-Chat ! », c’est ma devise !
  7. Chapitre 12 : PETIT DIALOGUE DE CHATS - Charmante Ardoise… - Kwâââââ ? - Est-ce que, moi aussi, je peux écrire quelques mots dans le volume de vos Mémoires ? Histoire qu’on sache qui je suis, quoi ? - Hein ???? CA VA PAS LA TETE ? Z’êtes RIEN ! In petto : Zut ! Elle est TRES fâchée ! Mais qu’est-ce qu’elle est rigolote quand sa queue fouette l’air comme ça ! - Et puis, faut pas oublier, hein : « Oncques ne cherche noyse… » - « A la marrante chatte Ardoyse », je sais ! - Vaillante, vaillante, vaillante !!! - Plaît-il ? - Vaillante chatte Ardoyse ! Z’avez dit : marrante ! - Oups, quel lapsus ! C’est ma pensée profonde qui inconsciemment est venue à la surface… Je vous prie de m’en excuser ! Mille fois pardon, vaillante Ardoise ! - Ah, comme ça, alors ça va !
  8. Jeune homme, cette fois il faudra être prudent ! Bien garder l'oeil sur votre maison ! Ne plus jouer aux explorateurs ! Un jour, dans la seconde partie de mes mémoires, je vous raconterai la fugue de mon ennemie intime, Scoubidou la noireaude... Elle aussi a été retrouvée tout près de chez elle, coincée dans une fenêtre en sous-sol !
  9. Comment sait--il que je donne des baffes ???? Heu ! Changeons de sujet ! Chers vassaux fidèles, j'ai retrouvé deux photos de Sa Seigneurie, la chatte Caramel. Regardez comme vous lui ressemblez !
  10. On me l'a déjà dit, cher ami, mais vos compliments me vont droit au coeur ! Comme je suis heureuse ! Ce forum me donne la possibilité d'avoir une meute virtuelle superbe ! Aaaaaaaaaaah ! Je vais maintenant faire une petite sieste et rêver à tout ça... Je vais réfléchir à tous les exercices que je vais vous faire faire...
  11. Chapitre 11 : FRAYEUR ET HUMEURS Quelques jours plus tard, Scouby a invité son frère, sa belle-sœur et son petit neveu à passer la soirée chez nous. En général, je n’aime pas trop quand nous avons de la visite… Ca chambarde ma petite vie bien ordonnée. Mais comme je suis une brave chatte, je ne dis rien. La soirée s’est très bien passée : le petit garçon m’a gentiment caressée, j’étais assez contente, mais je trouvais quand même que c’était un peu long. Je ne suis pas une couche-tard, en général, je crois l’avoir déjà dit ! Plongée dans un demi-sommeil, j’entendais parler, discuter, rire… Ce n’était pas seulement long, mais un peu bruyant, aussi ! De temps en temps, je poussais un petit soupir agacé en me tournant et me retournant sur le dossier de mon divan. Parfois j’ouvrais un œil : « C’est pas presque fini, non ? J’veux dormir, moi ! » Enfin, bien après mon heure de repos habituelle, ils se sont levés, ont mis leurs manteaux… - Ah ! Je vais pouvoir dormir ! Pas trop tôt ! Mais que se passe-t-il ? Mon « tonton », habillé pour sortir, me prend dans ses bras. Envisagerait-il de m’emmener avec lui ? Scouby m’aurait-elle donnée ? Comme un vulgaire objet dont on se débarrasse quand on n’en veut plus ? Je hurle en me débattant de toutes mes forces : « Non, non, j’veux rester ici ! Au secours! Au secours ! » Je suis devenue une boule de nerfs en l’espace d’un instant ! Effrayé, mon tonton me lâche dans les bras de ma mère d’adoption, à qui je m’agrippe désespérément. - Voyons, Ardoise ! Philippe ne voulait pas t’emmener ! Il voulait simplement te dire au revoir… Il aime beaucoup les chats ! Justement ! Quand on aime beaucoup les chats, comment pourrait-on résister à kidnapper la merveille que je suis ? Le petit garçon, ébahi, me fixe avec des yeux ronds. Il a l’air de penser : « Quel étrange animal ! » Un peu rassurée, je les ai regardés franchir le seuil… Après, toute ma famille s’est mise en quatre pour me calmer et me consoler. Quelle méprise… et quelle frayeur ! A présent, je me demande bien pourquoi j’ai réagi comme ça ! Je ne me comporte pas ainsi d’habitude ! Est-ce que j’aurais encore, tapie au plus profond de moi-même, la peur d’être abandonnée ? Il faut dire aussi que je ne vois pas souvent mon tonton Philippe ! Quand le frère de Daniel, tonton Jean-Marc, et ma tante Chantal viennent à leur tour en visite, je les accueille avec plaisir, parce que j’aime bien leurs vestes ! Ils les posent sur une chaise en arrivant. Moi j’attends quelques instants, qu’on ne fasse pas attention à moi et hop !... je me fourre sous les vêtements, j’essaie d’entrer dans les manches… C’est follement amusant ! - Ardoise ! - Oh, ça n’a pas d’importance, dit ma tante Chantal : « Elle doit sentir l’odeur de Pastelle!» Elle est bien gentille ma tante Chantal, et moi j’ai bien chaud dans la manche de sa veste. Je m’y endors. C’est vrai que ça sent la « Pastelle » ! C’est une chatte rousse, de mon âge… et je crois qu’elle est aussi délurée que moi ! Comme moi, elle prend souvent un air modeste, mais il ne faut pas s’y fier ! Ainsi, elle adore les bijoux ! Si une dame, ornée comme un sapin de Noël, vient par hasard rendre visite à mon tonton et à ma tante, Pastelle dévisage la nouvelle venue d’un œil émerveillé. Flattée par cette admiration, la dame prend Pastelle dans ses bras… et la rouquine agrippe les bijoux ! - Miaou ! Donne-moi la petite chaîne qui brille à ton cou ! Donne-moi ta belle bague ! Une vraie croqueuse de diamants, cette Pastelle ! Vous avez certainement remarqué que, dans mon genre, je ne suis pas mal non plus. Par exemple… Olivier rentre à la maison. Comme il peut aussi bien être midi que minuit (il n’a pas d’heure, Olivier, il mène sa vie d’étudiant à fond !), il ne mange que lorsqu’il a faim. Après lui avoir fait fête, je le suis d’un petit pas décidé dans la cuisine, où je le vois plonger la tête dans le frigo. Il se prépare des sandwiches ou fait chauffer un plat au four à micro-ondes, selon son envie du moment. Puis, muni d’un plateau copieusement garni, il va s’installer dans un fauteuil. C’est alors que j’entre en scène. Je saute sur l’accoudoir du fauteuil, la tête penchée vers le plateau. - Descends, Ardoise, tu n’aimes rien de ce que j’ai là ! C’est bien possible… c’est même probable, mais qui sait ? Peut-être vais-je me découvrir une passion imprévue pour les cornichons ? J’insiste : - Allez, laisse-moi renifler ton assiette ! Laisse-moi goûter ! - Non, pas question ! - Un tout petit, petit bout… De guerre lasse, il me donne un morceau de sa tartine. Je hume d’un air dégoûté. - Peut-être que je préférerai autre chose… - Ardoise, descends de ce fauteuil ! J’obéis, la rage au cœur, et vais m’asseoir sous la table du salon, couvrant mon bourreau d’un œil plein de rancœur. Je fulmine : « Je suis une incomprise, grmmm, personne ne m’aime ici, grmmm, si j’avais su, grmmm… » - Allons, Ardoise, intervient Scouby, arrête de te monter la tête ! Tu sais très bien que rien de ce que tu penses là n’est vrai ! » Je la regarde, un peu estomaquée. Comme d’habitude, elle a lu mes pensées dans mes yeux ! Elle prétend que j’ai le regard le plus parlant qui soit ! Si seulement je pouvais me dissimuler derrière d’épaisses lunettes noires, comme Greta Garbo… Je crois l’avoir déjà dit, c’est une réflexion que je me fais souvent. Evidemment, deux minutes après, je n’y pense plus.
  12. Mais... les pattes m'en tombent ! Qui vois-je arriver là ? Le séduisant Litchi aux yeux bleus... et Filou... Très beau aussi ! Vous ressemblez tous deux à Sa Seigneurie Caramel, mais vous n'avez pas son sale caractère spécial... Je vous embrigade dans ma meute ! Ca vous fait plaisir, hein ? Je vous ferai marcher au pas découvrir du pays, les bleus amis !
  13. Chapitre 10 : L'ARBRE DE NOWELE Tout doucement le temps s’écoule, les mois s’égrènent. L’automne a pris fin et nous voilà qui approchons de la période de Noël. En ce moment, Scouby et Daniel sont en perte de tonus. - Fichu hiver ! disent-ils. - De quoi vous plaignez-vous, fais-je, confortablement allongée sur mon radiateur bien brûlant. « L’hiver c’est une chouette saison, on ne vous demande pas de sortir, yaka manger, dormir, ronronner… » - Parle pour toi, Mademoiselle Yaka ! C’est bizarre, j’ai parfois l’impression que Scouby s’énerve quand je tiens des discours comme ça. C’est parce que j’ai toujours raison, elle supporte mal. Elle ne comprend pas la chance qui lui a été donnée par le ciel, de partager sa vie avec la perfection incarnée sous forme de chat ! - Mais pourquoi vous travaillez ? insisté-je. « Z’êtes bêtes : faites plutôt comme le Maître-Chat : il chasse, il pêche, il mendie à gauche et à droite et il dort quand ça lui plaît ! » - Tu nous vois déjà faire la manche dans le métro ? Et tes boîtes de Félix ? Qui les paierait si on se laissait vivre, comme tu dis ? Et le chauffage ? Ca coûte, le mazout ! Là, je réfléchis : oui, bon, mes boîtes de Félix, c’est important ! Que dis-je ? Vital ! Mon radiateur encore plus ! Je ne l’abandonnerais pour rien au monde en cette saison ! - Finalement, la vie est une mosaïque de choix, dis-je rêveusement. Quand vous avez fait un bon choix, c’est en venant me chercher au refuge Veeweyde, ça c’est sûr ! Excellente initiative ! Pouviez pas mieux tomber que sur moi ! Le mauvais choix, c’est quand vous cochez les cases sur votre bulletin de lotto : vous ne tombez jamais sur les six bons numéros. Remarquez, je ne vous en veux pas pour ça… L’un compense l’autre, après tout! Comme vous devez être heureux, en rentrant du travail, de trouver un petit être aimant, sensible et intelligent, qui vous attend avec le sourire… - … Et qui ne daigne même pas montrer qu’il est content de nous voir, enchaîne Scouby. « Un petit être aimant et sensible qui se contente de tourner la tête en émergeant d’un lourd sommeil et de grommeler : Tiens, déjà six heures ! Comme le temps passe ! » - Parfois, je me précipite pour vous accueillir… - Oui, tu te rues sur la table en balayant tout sur ton passage, tu cries : « Keskon mange? » et puis tu fourres ton nez dans mes sacs à provisions ! Je soupire. C’est l’incompréhension universelle, dans ce logis ! Je me dis toujours que, si je préparais pour de bon mon petit balluchon, ils se précipiteraient à mes pattes en les inondant de larmes et en me suppliant de rester. On peut toujours rêver… L’autre soir, je me reposais béatement sur mon radiateur, comme de coutume. La soirée s’annonce calme, Scouby et moi sommes seules. Pas de Daniel ni d’Olivier en vue. Je parie que nous allons toutes les deux nous offrir un petit plateau-repas et regarder la télé sur les genoux l’une de l’autre… Mais keskelle fait, Scouby ? Elle arrive dans la salle à manger avec un grand carton, elle dégage un coin du buffet. - Ardoise, comme nous sommes toutes seules ce soir, nous allons en profiter : on va dresser le sapin de Noël ! - C’est quoi ça, un sapin de Nowèle ? - Tu sais bien, comme on fait tous les ans ! - Tous les ans pour toi, c’est à peu près tous les sept ans pour moi, comment veux-tu que je me souvienne ? Montre ce que c’est, un sapin de Nowèle ! - Bon, moi je travaille et toi, Ardoise, tu t’installes sur ce petit bout de table, là. Assieds-toi sur ton derrière et reste bien sage ! - Mais je veux aider ! - C’est en restant bien tranquille et en admirant silencieusement ce que je fais, que tu vas le mieux m’aider ! Bon, ne la contrarions pas. Je m’assieds sur le petit bout de table, le bout de ma queue bien calé entre mes pattes antérieures, la tête et le dos bien droits, et je regarde, prête à admirer de confiance tout ce qu’on voudra ! D’un grand sac-poubelle, elle tire une tige de plastique et un trépied. Puis elle déploie les « branches » de la tige de plastique. J’écarquille les yeux. Un arbre, ça ? Un sapin ? Je connais des sapins, nous en avons dans le jardin à la campagne, mais ça n’y ressemble pas ! Ce machin-ci est tout petit, tout malingre, tout rabougri ! - Ce sera plus joli quand ce sera garni, dit Scouby sans conviction. Chaque fois qu’elle contemple son sapin après onze mois d’oubli, elle ressent un choc : c’est vrai qu’il est tout à fait misérable ! - Nous sommes du même avis, je pense, dis-je sans trop insister. Mine de rien, j’ai aussi du tact parfois, comme l’Orca Maître-Chat ! D’un autre sac, Scouby tire des boules multicolores, des petits objets en bois, des angelots en tissu… tout cela incassable, bien sûr, à l’épreuve des pattes félines de qui vous savez… Prodigieusement intéressée, j’avance la tête d’un centimètre. Elle accroche ces jouets aux branches du « sapin ». Puis vient un moment passionnant : elle déploie de longues guirlandes brillantes, bleues, blanches, dorées… Cette fois, mes bonnes résolutions s’enfuient à tire d’aile. Prestement, je m’approche et d’un coup de patte, mets les guirlandes en mouvement. Ca scintille, c’est beau ! - Ardoise ! Je t’ai dit de rester assise sans bouger ! Mais à qui croit-elle parler ? A un chien ? Je ne suis pas un chien, mais un chat fier et indépendant, comme le dit si bien Sa Seigneurie !… Je continue mon petit jeu. En désespoir de cause, Scouby trouve le moyen de m’éloigner en me faisant cadeau d’un morceau de guirlande. Tandis qu’elle poursuit tranquillement son travail de décoration, je joue par terre, parsemant le tapis de petits bouts de papier rutilant. Peu après, ayant épuisé les charmes de ce nouvel amusement, je viens voir où elle en est. Oh ! Elle a mis des petits personnages au pied du « sapin » et elle est en train de déposer une minuscule poupée dans une sorte de petit nid de paille ! Je tâte la poupée du museau. - On ne mange pas le petit Jésus ! Pas touche à la crèche ! On le saura, hein ! Je ne peux pas toucher à l’arbre de Nowèle, ni à la crèche, ni aux cadeaux… Les cadeaux, c’est ça le plus dur, parce qu’ils sont tous surmontés d’un ruban doré qui tirebouchonne… et moi j’ADORE les rubans des emballages-cadeau ! Scouby les dispose artistiquement, en dissimulant de son mieux les objets de mon désir. Croit-elle me leurrer ? Je vais attendre qu’elle soit partie et ensuite… Peut-être même cette nuit, tiens ! Avec un air de fausse sagesse, je vais m’installer dans mon fauteuil préféré, près de la fenêtre, et je regarde au-dehors d’un air blasé. Quoi ? Que vois-je ? Un MERLE sur mon balcon ? Ma queue se met à fouetter l’air avec vigueur, mes dents claquent de convoitise. Je me rue hors de mon fauteuil et soulève le rideau avec ma tête. Je suis hirsute et survoltée. Le merle, bien à l’abri derrière la cloison de verre, me regarde d’un œil moqueur et lance quelques trilles. Puis il s’en va. Frustrée, je regagne mon siège, la queue basse. Ensuite, j’ai complètement oublié d’aller farfouiller dans les cadeaux ! Ce que je fais tout de même, de temps en temps, quand ils ne sont pas là, c’est aller jusqu’au sapin et déranger une guirlande dont la disposition ne me plaît pas. Mais apparemment, mes goûts en matière de décoration sont bien méprisés dans cette maison ! Immanquablement, je retrouve la guirlande comme elle était. Bientôt, dans quelques semaines, Scouby va remiser l’arbre de Nowèle dans son sac-poubelle et le remettre au placard pour sept longues années félines. Pour ce faire, elle devra bien entendu en ôter toutes les guirlandes… et qui sera là, à l’affût ? Devinez ! Au réveillon de Noël, j’ai reçu des crevettes. C’était fameusement bon, j’en redemandais, vous pensez bien ! Puis j’ai mangé du steak. J’ai beau me plaindre de temps en temps, je ne suis pas si mal dans cette maison où le chat fidèle reçoit sa part du réveillon ! Il n’a pas dû se régaler comme moi, le pauvre Orca Maître-Chat, dans la nuit du 24 décembre, au fond de son bled perdu… Mais il se rattrapera au Nouvel An ! Evidemment, l’esprit de la chatte Caramel (Sa Seigneurie) s’est à nouveau montré à moi en cette nuit spéciale. Et elle n’a pas manqué de le critiquer, notre sapin ! - Qu’est-ce que c’est que CA ? Je chuchote, intimidée comme toujours. - C’est un arbre de Nowèle, Vot’Seigneurie ! Elle se déplace jusqu’au sapin, le contemple, le renifle… - Ca ne sent rien… Ah, les choses ont bien changé depuis mon jeune temps ! Elle prend son envol et atterrit délicatement, comme une bulle, à côté de moi. Pendant ce temps, ma famille réveillonne sans soupçonner le moins du monde que j’ai de la visite! On me croit endormie… Ils sont vraiment obtus, ces humains ! C’est bien plus gratifiant d’être un chat ! - C’était comment, dans vot’jeune temps, Vot’Seigneurie ? - Ah, petite chose, c’était bien mieux que maintenant ! Ca, je l’aurais parié ! Elle poursuit. - Le Noël de ma jeunesse… Je veux dire, le premier Noël que j’ai passé ici, quelle fête ! Pour moi, je veux dire. - Comment cela ? Elle jette un regard désapprobateur sur MON arbre de Nowèle. - Ils n’ont même pas mis les boules dorées et rouges, toutes brillantes, dans lesquelles j’admirais mon reflet ! - Non, mais y z’ont mis des petits objets en bois ! - En bois ! (elle lève les yeux au ciel). Comment peux-tu t’amuser avec des objets en bois ? - Mais c’est pas pour moi, je peux toucher à rien, seulement admirer de loin, qu’elle a dit Scouby ! - Et toi, tu obéis comme un toutou ? Et mes leçons, qu’est-ce que tu en fais ? - Hum, je… - Enfonce-toi dans la tête que tu es un CHAT ! Un chat fier et libre qui fait tout ce qu’il lui plaît ! La gloire du monde animal ! Pas de compromis, avec un chat : c’est lui le maître ! Elle est tellement convaincante que je finirais par la croire. Je lève la tête, allonge les pattes, prends un air d’extrême dignité. Elle me regarde faire, un tantinet découragée. Apparemment, je ne suis pas très crédible… Parlons d’autre chose. - Dites quand même comment c’était de votre temps, un arbre de Nowèle, Vot’Seigneurie! - C’était plus grand que « ça » ! Plus touffu. Garni d’une multitude de boules que j’aimais agiter de la patte et voir s’écraser sur le sol avec un joli petit bruit cristallin. Un arbre de Noël, dans ma jeunesse, c’était fascinant ! Hélas, il y a bien longtemps de cela… J’étais toute petite encore. Après une année de séjour ici, je n’ai plus reçu d’arbre de Noël ! - Pourquoi ça ? - Demande-leur, pourquoi ! Comment veux-tu que je le sache ? Comme par hasard, les années suivantes, ils déménageaient mon panier et ma gamelle dans une chambre et fermaient la porte qui donne sur la salle à manger ! J’étais confinée dans trois pièces durant plusieurs jours… Inutile de te décrire mon humeur ! Le soir, je pouvais sortir, sous étroite surveillance… et ne crois pas que j’avais les yeux dans la poche : j’ai bien vu qu’ils avaient dressé pour EUX un arbre de Noêl ! Ils voulaient en profiter tous seuls, les égoïstes ! Je compatis, tout en me doutant bien des raisons de cette mise à l’écart toute relative. La pauvre Caramel, avec sa mentalité de princesse chatte, ne pouvait pas imaginer une seconde que tout élément nouveau dans la maison ne fût pas destiné uniquement à son propre amusement ! Et je suppose que mes parents d’adoption n’avaient pas tellement apprécié, en ce premier Noël passé avec elle, d’entendre continuellement le bruit cristallin des boules rouges et dorées s’écrasant sur le sol… - Vous aviez peut-être des compensations ? dis-je d’une voix encourageante. - Il n’aurait plus manqué que ça ! s’exclame-t-elle. « Bien sûr, chaque soir, j’avais droit aux plus douces caresses, aux meilleurs morceaux de viande, à des petits carrés de chocolat bien crémeux… » Je frissonne d’horreur : du chocolat ! Et crémeux, en plus ! Pouah ! Perdue dans ses rêves gourmands, Sa Seigneurie s’amadoue sensiblement. - Enfin, c’est pas tout ça, dit-elle. « J’étais venue te souhaiter un joyeux Noël , petite chose, ainsi qu’à ma famille ! » Et frrrrrrt ! Elle s’envole, comme la dernière fois. Moi, je m’endors. Je suis encore trop petite pour rester éveillée jusqu’à minuit !
  14. Chapitre 9 ORCA SE PERMET DES LIBERTES ! Le week-end suivant, je suis repartie à la campagne. Scouby et Daniel espéraient qu’au spectacle de mon jardin tout ensoleillé, je ferais un peu d’exercice pour maigrir… Du genre courir après les papillons, vous voyez ? Rien à faire, je ne vois pas pourquoi je me donnerais en spectacle en sautillant sur commande, j’ai ma dignité ! Et puis je ne suis pas grosse… j’ai l’air un peu enveloppé, mais c’est une illusion d’optique : ma superbe fourrure à trois épaisseurs en est responsable… En plus elle a des rayures horizontales, tout le monde sait que c’est grossissant. En plus… Et puis flûte, je n’ai pas à me justifier ! Mes parents étaient tous les deux sur la terrasse, il faisait superbe en ce milieu d’automne et moi, je dormais… pardon, je méditais sur un fauteuil à l’intérieur de la maison, dans la petite pièce qui donne sur le jardin. De ce siège moelleux, j’ai vue sur la porte. Il faut bien que je surveille Orca lorsqu’il se balade dans les parages ! - Tiens, vous êtes là, jolie Ardoise ? Qu’est-ce que je disais ! Il a suffi que je ferme les yeux un tout petit instant pour que le loup montre sa queue ! Il n’a pas l’air tellement heureux de me voir, aujourd’hui, bien qu’il me salue avec sa courtoisie habituelle. J’ai cru comprendre que, lorsque je ne suis pas là, il mène mes parents par le bout du nez. Quand je suis présente, il doit se montrer circonspect : après tout, c’est moi, Ardoise, la maîtresse de maison ! Je vais d’ailleurs lui rafraîchir la mémoire à ce sujet, cela ne lui fera pas de tort ! L’air aimable, je l’interroge : - La semaine dernière, z’avez passé un bon week-end avec MES PARENTS-Z-A MOI ? Admirez le subtil sous-entendu ! Tout en finesse ! - Excellent ! rétorque-t-il suavement. « Un peu trop court, toutefois… deux jours, ça passe vite ! » - La nourriture vous plaît ? - Elle est délicieuse ! - Permettez que je vérifie ? Sans attendre la réponse, je quitte mon fauteuil d’un bond, file droit sur la gamelle d’Orca et y plonge le nez. Des croquettes ! Je m’empiffre avec allégresse. En général, je n’en reçois pas beaucoup parce qu’il paraît que je ne bois pas assez. Et un chat qui mange des croquettes doit boire, il paraît. Je me demande qui a inventé ça. A un mètre de moi, silencieux mais l’œil inquiet, l’Orca me regarde vider son assiette. Scouby s’indigne : « Ardoise ! Tu n’as pas honte ? » Moi ? Non ! Je sais bien que l’Orca ne va pas mourir de faim, il est tombé à la bonne adresse ! Quelques instants plus tard, l’estomac bien gonflé, je fais appel à ma dignité naturelle pour regagner mon siège d’un saut élégant, tandis qu’Orca contemple tristement les deux croquettes que je lui ai laissées par pure bonté d’âme. - Pauvre Orca, s’apitoie Scouby, je vais te donner autre chose, attends ! Qu’est-ce que je disais ! Mais que vois-je ? C’est inouï ! C’est… c’est… inqualifiable ! Sans hésiter, l’Orca emboîte le pas à ma mère d’adoption et les voilà se dirigeant tous deux vers la cuisine ! Tapie dans mon fauteuil, je ne dis rien. Je rumine mes croquettes et mes mornes pensées. Vous imaginez quelle liberté s’est octroyée cet intrus, sans même m’en avoir demandé la permission ? Et il faut voir de quel air naturel il arpente le carrelage de MA maison ! On croirait qu’il n’a fait que cela toute sa vie ! Assurément, il n’en est pas à son coup d’essai ! Si seulement il pouvait, dans un élan d’orgueil typiquement masculin, lever la queue et asperger les murs de ces quelques gouttes malodorantes qui, parfois, lui échappent ! Scouby le remettrait vite fait à sa place, la seule qui lui convienne : DEHORS ! Pleine d’espoir, je lève le nez, renifle les alentours… Aucune odeur suspecte, zut. Il fait des efforts d’intégration, en plus ! Comme, ce week-end, Olivier nous accompagne, je fais bien attention : pas question que, d’un regard ou d’un tour de patte, l’Orca me vole l’affection de mon Grand Amour ! Heureusement, il n’y pense apparemment pas. C’est à Scouby qu’il réserve ses regards de merlan frit. Je me demande ce qu’il lui trouve… Moi, quand Olivier paraît, je ne vois plus que lui, c’est l’astre de mon existence ! Le seul problème, avec lui, c’est que lorsqu’il s’occupe de moi quand Scouby et Daniel ne sont pas là, il m’achète des boîtes que je n’apprécie pas tellement-tellement… Et pas moyen de lui faire comprendre que ces petites boulettes en gelée, je les aimais à la folie il y a six mois, plus maintenant ! Il ne saisit pas. Il croit que mes goûts sont immuables. Enfin ! Il faut bien que je mette un peu d’eau dans mon vin, comme on dit. C’est comme ça, dans un ménage !... Ce dimanche, il fait toujours aussi beau, vraiment un temps exceptionnel. Scouby ouvre la porte du jardin et je m’élance vers ma touffe d’herbe favorite. Je mâchonne longuement, tout en inspectant l’horizon d’un œil de lynx : pas d’Orca en vue ! Je m’installe confortablement sous la table de la terrasse. La vie est belle ! Mais pourquoi Scouby et Olivier rient-ils ainsi ? - Regarde en l’air, Ardoise ! - ????? - Miââââââ ! approuve une voix bien connue. Résignée, je lève les yeux et que vois-je ? Une tête de chat à l’envers ! L’ineffable Orca, bien installé SUR la table, se penche pour mieux me considérer. Je suis peut-être subjective (je le suis même certainement), mais là, j’ai vraiment vu une étincelle malicieuse danser dans son regard ! Je n’ai pas bronché, j’ai fait comme si ses pitreries ne m’intéressaient pas ! Et c’est vrai qu’elles ne m’intéressent pas ! Vrai, vrai, vrai ! Il ne m’a pas taquinée davantage. Il est parti se promener, me laissant en famille, et je ne l’ai plus vu jusqu’à l’heure du départ. J’en étais bien soulagée : je n’aimerais pas qu’il me voie emprisonnée dans mon panier de transport. Je dois ressembler à un mini-fauve ridicule dans cette masse de tissu décorée d’innombrables « Félix » ! Quand on me sort pour poser ma prison sur le siège arrière de la voiture, je me tapis tout au fond : je perdrais toute crédibilité aux yeux des chats du voisinage, s’ils devaient me surprendre dans une telle position ! Et j’ai beau protester vigoureusement chaque fois qu’on m’enferme dans ce panier, peine perdue ! C’est comme si je chantais «Au clair de la lune»!
  15. Moi aussi je vous remercie, M'dame Janick ! Ne faites pas trop de compliments à ma bipède, s'il vous plaît : je la vois qui veut se faire aussi grosse que le boeuf !
  16. Chapitre 8 : MES JEUX ET MES REPAS Pendant ce temps, j’étais bien contente, je jouais avec un cadeau que m’a fait Olivier (qui m’adore, comme chacun sait) : des petites souris en tissu. J’en ai une blanche, une noire et une grise qui me ressemble un peu… Moi qui devenais un peu flemmarde, je suis transformée depuis que j’ai reçu ce présent, vous devriez me voir ! Je saute, je virevolte, je cours derrière les petites souris, je les pousse de la patte, je me couche dessus et les couve sous mon petit ventre bien douillet… Quels jouets, ouah ! Génial ! Quand j’en ai assez des souris, je me tourne vers mon « bébé ». Vous ne savez pas ce que c’est, mon bébé ? C’est une peluche qui a exactement la même teinte que moi, et elle est même tigrée ! Vous vous rendez compte? Personne ne sait quel genre de bête elle peut représenter, mais ça m’est égal. Je la secoue avec mes dents, la lance en l’air, la rattrape, la piétine, l’enfouis sous les coussins des fauteuils… C’est une bêbête à tout faire, vous voyez ? Parfois Scouby prend une expression inquiète en me voyant jouer si fort. - Je ne sais pas si tu as eu un jour des petits, avant qu’on se connaisse, Ardoise, mais j’espère bien que tu ne les traitais pas comme ça !!! Ben quoi ? Qu’est-ce qu’il y a à redire à la façon dont je traite mon bébé ? Elle se mêle de tout, ma mère à deux pattes, c’est un monde ça ! Il paraît que mes petites souris sont bourrées d’herbe pour chat… Je ne les ai pas ouvertes pour vérifier, j’ai assez d’herbe à ma disposition : à l’appartement dans un petit pot et à la maison, tout le jardin rien que pour moi ! Ce que j’aime faire avec mes souris, c’est les pousser subrepticement sous un meuble et puis me mettre à miauler d’un air éploré. Après, c’est très comique : toute la famille se met à quatre pattes pour chercher mes souris. Moi, juchée sur un fauteuil, je supervise les opérations. Puis, quand les souris sont retrouvées et déposées devant moi, bien alignées, je m’en désintéresse et vais inspecter le contenu de ma gamelle. Si je n’y faisais attention, nous toucherions là à un sujet sur lequel je pourrais me révéler intarissable : la nourriture ! Il paraît que je deviens difficile, mais difficile ! Du moins, c’est ce que dit Scouby. S’il fallait m’écouter, moi, ce serait tellement simple de me contenter ! Le matin, en me levant, j’apprécierais une petite boîte fraîchement ouverte… des « pépites de dinde » ou quelque chose comme ça. Puis, vers midi, après ma première sieste de la journée, je me referais des forces avec un bon gros morceau de colin d’Alaska bien écrasé à la fourchette, je retournerais dormir un peu et, vers trois heures de l’après-midi, je m’enfilerais une portion de steak haché et, le soir… Mais j’arrête ici, paraît que je dois limiter mes ambitions. On ne fait jamais ce qu’on veut dans la vie ! Si c’était ma vocation, à moi, d’être gourmette ? Un job qui m’aurait bien convenu, tenez, c’est « goûteur » chez Félix ou Whiskas… Hélas! Personne n’est venu me solliciter, personne n’a remarqué à quel point je serais douée pour ce métier ! Snif… Scouby trouve que mes talents d’actrice s’affirment de plus en plus. Non seulement je joue avec mes souris en leur donnant vie, comme si elles étaient véritables (ce qui est l’enfance de l’art pour un chat), mais en plus, j’ai appris à tirer parti de l’immobilité même et ça, mes amis, c’est du génie à l’état pur ! Je vous explique : L’autre jour, ma gamelle était vide… et Scouby ne l’avait pas vu ! Moi, si, faites-moi confiance ! Un chat ordinaire se serait installé devant son set de table en miaulant lamentablement. Ou bien serait allé égratigner les mollets de Scouby afin d’attirer son attention. J’admets que, de temps à autre, j’ai recours à de tels expédients. Mais comme je ne suis pas un chat ordinaire (du moins je le crois), j’ai trouvé mieux, bien mieux ! Je me suis posée délicatement sur mon derrière, dans un coin de la cuisine, et j’ai baissé la tête, fixant le sol d’un air de profond accablement. Au bout de quelques minutes, Scouby remarque mon attitude. C’est le moment d’amorcer ma métamorphose : en quelques secondes, sans bouger un poil, je me mue en un chaton de peluche, tout mignon et pitoyable. Un chaton qui attire, comme un aimant, un irrésistible besoin de protection ! Scouby n’en a pas cru ses yeux, de me voir comme ça ! Même la texture de ma belle fourrure semblait avoir changé : peluche à 100% ! Qu’est-ce que vous dites de ça ? J’étais très fière de moi ! Evidemment, j’ai obtenu satisfaction. Scouby se demande si, un jour, elle me connaîtra vraiment… J’en doute. Ma personnalité comporte tellement de facettes… Ca fait partie de mon charme, je crois.
  17. Ah tant mieux ! Pourrai un peu flirter converser avec le play-cat aux yeux bleus...
  18. Je prends le relais... C'est normal, hein, maintenant que je suis inscrite ! Chapitre 7 : WEEK-END AVEC ORCA Voilà, le week-end est arrivé et j’ai pris la route avec, il faut bien l’avouer, l’arrière-pensée de « snober » à nouveau ce chat noir et blanc qui s’imagine que ma famille lui appartient ! Je fais une fixation sur cet individu en ce moment, j’en rêve la nuit, c’est plus possible ! A peine sommes-nous arrivés, Daniel ouvre la porte qui donne sur le jardin et, bien sûr, qui est apparu aussitôt, tout guilleret ? Devinez ! - Miâââââââ ! Enfin vous voilà ! J’ai attendu toute la semaine, moi, j’ai faim ! Il ne semble pourtant pas amaigri… Il doit avoir de bonnes adresses, l’Orca ! - Bonjour, adorable Ardoise ! Z’êtes encore plus jolie que le week-end passé ! Il est tellement charmeur que je n’ai pu faire autrement que le saluer à la manière «chat» : mon petit nez à moi contre son gros pif à lui. Puis, me rappelant mes précédentes résolutions, j’ai adopté une attitude distante tandis qu’il s’empiffrait joyeusement de croquettes et d’une boîte de « Félix ». Mon Félix à MOI ! - Tiens, Orca est plus propre qu’Ardoise, a remarqué Daniel qui n’en rate pas une. « Lui, il mange ce qu’il a laissé tomber à côté de son assiette, Ardoise, elle, laisse tout par terre! » Je lui lance un regard meurtrier. Inutile de discuter avec ces humains, ils sont plus bêtes que mes quatre pattes ! Le repas terminé, je me juche élégamment sur un fauteuil de jardin pour faire ma sieste et Orca, toujours souriant et pacifique, se couche au pied dudit fauteuil. Ah, au moins, ma suprématie est reconnue ! Je me dégèle insensiblement. - Divine Ardoise… - Keskya ? - Moi aussi, je me suis trouvé un slogan ! - Un QUOI ? - Un slogan ! Comme vous, avec tous ces mots ronflants qui se terminent par « oyse » ! Tout ce qu’il faut entendre ! L’orgueilleuse devise de ma noble famille, un slogan ! - Dites toujours… Je m’attends au pire. - « ORCA, MAITRE-CHAT ! » clame-t-il fièrement. - Yaksa ? - Ben quoi, ça vous suffit pas ? C’est percutant, ça sonne : « Orca, Maître-Chat !» sans oublier le point d’exclamation ! Ca veut tout dire, n’est-ce pas ? - Bof ! Si tout le monde se met à avoir une devise, maintenant ! Ca devient d’un commun, vous ne trouvez pas ? Il s’étire. - Je vais me promener une heure ou deux. Si je ne vous vois plus ce soir, je vous souhaite une bonne nuit, divine Ardoise ! Mais où a-t-il appris à s’exprimer comme ça ? Pour un vagabond, il a assez belle allure, je dois bien l’avouer : propre, le poil bien brillant… Et il va et vient librement ! Je me renfrogne : pourquoi dois-je subir ce collier bleu et cette corde rose, et pas lui ? Je lui pose (un peu aigrement) la question. - Il y a ainsi, dans l’existence, certains mystères insondables, dit-il avec philosophie. Ainsi, moi-même, je me demande souvent pourquoi vous avez le droit d’entrer dans cette maison et moi, non ? Sur cette réflexion destinée à planter un germe de culpabilité dans ma petite âme si pure, il se détourne et s’éloigne d’un pas serein. - Tiens, Orca ne passe pas la soirée avec Ardoise, aujourd’hui ? s’étonne Scouby. - Il la trouve peut-être moche, avance Daniel. Quand je vous disais qu’il n’en rate pas une ! Le goujat ! Scouby vole à mon secours. - Il serait bien difficile, dit-elle. Une si ravissante petite chatte, avec une tête bien ronde, de beaux grands yeux verts bien fendus, de si belles moustaches tombantes et une superbe fourrure à triple épaisseur ! A cette énumération de mes charmes, je me rassure. C’est quand même vrai que je suis magnifique… et ma fourrure ! De première qualité, la fourrure, je vous le garantis ! Peut-être un peu rêche au toucher, mais bien épaisse, inusable ! Elle a raison Scouby ! Même si on dirait qu’elle réprime un petit sourire… Quant à Daniel, je ne lui parle plus ! Je ne le regarde même plus. Pendant au moins cinq minutes. Ca lui apprendra ! Je me détourne d’un mouvement plein de fierté et regarde au loin. - Ben quoi, Ardoise boude ? demande-t-il, étonné. - Forcément, tu as dit qu’elle était moche ! Tu oublies qu’elle comprend tout ? Il en reste comme deux ronds de flan. Il ne s’était pas encore rendu compte qu’effectivement, je comprends tout ! Le lendemain matin, samedi, Orca est là, bien sûr, à la première heure pour prendre son petit déjeuner ! Nous avons passé une journée détendue, comme je les aime. Moi, j’ai dormi, lui s’est baladé à gauche et à droite. Une malheureuse jeune pie, encore toute petite, gisait morte sous le grand sapin. Orca flânait dans le jardin quand il est tombé en arrêt devant le volatile inanimé. - Tiens ! Mon repas ! Il s’en est emparé aussitôt et commençait à plumer l’animal d’une patte experte, lorsque Scouby l’a aperçu. - Oooooh ! Quelle horreur ! Je ne peux pas voir ça ! Daniel a pris la pie des pattes de l’Orca tout ahuri, et est allé la cacher sous un amas d’herbe coupée, en attendant de s’en débarrasser définitivement. - Et mon repas ? Tout décontenancé, Orca est revenu dix fois à l’endroit où il avait trouvé la pie, s’attendant toujours à la voir reparaître comme par magie. Peine perdue ! Il n’en revenait pas : « Vous en avez de bonnes, vous ! Me voler mon repas ! » C’était à mon tour de me montrer philosophe : - Que voulez-vous, mon cher Orca, tout maître-chat que vous soyez, vous ne comprendrez jamais les humains ! Leurs réactions sont imprévisibles !... Le soir, nous avons fait un barbecue et avons mangé des petits os grillés. Pour moi, Daniel a soigneusement détaché la viande de l’os et l’a coupée en petits morceaux. Il s’apprêtait à en faire autant pour l’Orca lorsque celui-ci a protesté : »Pas la peine, vous savez ! Je sais me débrouiller tout seul, suis pas une chochotte ! » Et hop ! En un instant, des dents et des griffes, il a soigneusement nettoyé son os. Il n’y restait plus la moindre parcelle de viande, on voit qu’il a l’habitude de manger «sauvage»! Heu… dans son esprit, c’est qui la « chochotte » ? Le lendemain, dimanche, la situation s’est gâtée… Après son petit déjeuner, Orca est allé faire une promenade digestive. Vers midi, il est revenu, mais en quel état ! Le museau ensanglanté, un œil fermé et purulent, la queue basse… Horrifiée, Scouby a essayé de lui nettoyer l’œil avec de l’eau tiède, mais… impossible de l’approcher ! - Si vous ne pouvez pas me guérir d’un seul coup, je préfère qu’on ne me touche pas ! a-t-il grommelé. Que s’était-il passé ? Avait-il rencontré un autre chat belliqueux, s’était-il fourré dans les épines ? Il a accepté un peu de nourriture pour se remettre de ses émotions, puis s’est éloigné. Sans même me dire au revoir ! Nous ne l’avons plus vu de la journée et, le soir venu, nous sommes rentrés tristement à la maison. L’ambiance n’a pas été à la joie, cette semaine-là ! Mes parents n’arrêtaient pas de se faire des soucis pour leur petit « chat des champs » (Oui, moi je suis la « chatte des villes » et lui c’est le « chat des champs »)… Ils avaient peur que ses blessures se soient infectées, ils se posaient des questions… Allaient-ils le revoir ? Je me le demandais aussi, en catimini. Le vendredi suivant, ils sont partis à la campagne sans m’emmener, cette fois. Peut-être craignaient-ils de m’infliger un spectacle déprimant, avec ce pauvre Orca blessé... mort peut-être ! Je suis restée avec Olivier. A peine arrivés à la maison, Scouby a ouvert la porte du jardin et, deux minutes plus tard quelle joie : une voix bien connue a retenti ! - Miâââââââ ! - Orca ! Viens, mon minou, je vais te donner à manger ! On dit que c’est solide un chat, eh bien je crois que c’est vrai : Orca ne se ressentait plus de ses blessures si spectaculaires ! Il avait de nouveau bon œil bonne patte, avec juste quelques cicatrices supplémentaires sur le museau. Mes parents éprouvaient un tel soulagement que, bien sûr, l’Orca a été encore plus dorloté que de coutume ! Ils lui ont même ouvert la porte de la maison… Il a passé sa tête dans la salle à manger et m’a cherchée des yeux en émettant un petit roucoulement. Puis, s’apercevant que, cette fois, je n’étais pas du voyage, il a trouvé une vieille croquette que j’avais abandonnée sur le sol et l’a mangée mélancoliquement en pensant à moi… Du moins je le crois. Je suis un peu fleur bleue tout au fond… Mam'zelle Ardoise
  19. Hé, les copains, vous n'avez pas encore remarqué, hein ? Je suis inscrite ! J'vous ai à l'oeil, maintenant !
×
×
  • Créer...